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LE BLOG DE JACQUES BULLOT

Ce blog conjugue littérature et politique pour dénoncer l'idéologie du fric, la finance mortifère, le saccage de la planète, la folie nucléaire, les OGM, la chimie qui tue...

Le roman noir des OGM

Publié le 11 Février 2012 par Jacques Bullot in OGM. L'enjeu géopolitique

 

 

 

 

 

Quand on ouvre le dossier OGM et plus particulièrement celui des plantes génétiquement modifiées (PGM) on ne peut que constater la gravité du sujet. Il ne s’agit rien moins que de savoir si l’humanité va abandonner l’agriculture paysanne qui façonne depuis des millénaires notre civilisation et notre culture au profit d’une autre, artificielle, mercantile, dominée par les industries biotechnologiques.

 

Le rêve démiurgique.

Pour appréhender le sujet il convient de décrire en termes simples ce qu’on entend par transgénèse. Cette technique consiste à modifier le patrimoine génétique naturel d'une plante par l’ajout d’un ou plusieurs gènes étrangers pour créer un nouvel organisme artificiel, dit PGM, doué de propriétés qui n’ont aucun rapport avec celles de la plante naturelle [1].

Quels sont les gènes étrangers susceptibles d’être utilisés ? La question est primordiale et la réponse simple : les gènes de toutes les espèces – animale, végétale, microbienne – sont candidats. Tout est possible, donc !

Ainsi pour créer une pomme de terre émettant une fluorescence verte il suffirait d’insérer dans le génome du tubercule le gène responsable de la luminescence de cette couleur émise par la méduse Aequorea Victoria.

Plus sérieusement on sait fabriquer une pomme de terre insecticide en insérant dans son génome le gène du perce-neige qui crée naturellement des protéines insecticides.

Autre exemple : pour fabriquer un maïs capable de tuer les insectes qui l’agressent on insère dans son génome le gène d’une bactérie vivant dans le sol, bacillus thurengiensis, qui secrète naturellement une protéine insecticide.

Pour terminer ce tour d’horizon, rappelons deux autres créations génétiques : les PGM résistant à l’herbicide Roundup fabriqué par la firme Monsanto, et les semences stériles fabriquées par la technique dite Terminator.

Une remarque lourde de sens s’impose. Avec cette technologie et pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, l’homme franchit la barrière d’espèce et réalise son vieux rêve démiurgique : créer de nouvelles espèces vivantes… autrement dit des chimères ! Certes, il ne s’agit pas de celles que l’on voit au tympan des cathédrales pas plus que des gargouilles qui grimacent au coin des tours de Notre-Dame de Paris. Cependant, bien qu’il reste pour l’œil un grain de maïs, le transgénique BT qui possède dans son génome le gène de bacillus thurengiensis, n’en est pas moins une chimère.

Les premiers pas du génie génétique datent des années soixante-dix. Force est de constater qu’ils ont été franchis avec légèreté, avec l’allégresse scientiste et les motivations mercantiles qui caractérisent la société dans laquelle nous vivons. Inutile de préciser que les scientifiques, les décideurs et les politiques ne se sont guère préoccupés de consulter les citoyens sur un problème qui, pourtant, les concerne au premier chef.

 

Le pollen voyageur

L’un des problèmes posé par la culture des PGM est le risque encouru par la biodiversité, c'est-à-dire l’ensemble des plantes vivant sur la planète. Le pollen constitue, chez les végétaux supérieurs, l'élément fécondant mâle de la fleur : ce sont de minuscules grains de forme plus ou moins ovoïde de quelques dizaines de micromètres de diamètre. Étant très légers, ils peuvent migrer sur de longues distances, des dizaines de kilomètres parfois ; de nombreuses études l’attestent. Le vent et les insectes dont les abeilles se chargent, au gré de leurs déplacements, de féconder d’autres plantes. Phénomène bénéfique depuis toujours. La situation s’inverse si le pollen est transgénique car celui-ci peut féconder de manière irréversible des plantes de la même famille et créer de nouvelles PGM. Il en est ainsi du colza transgénique avec sa cousine sauvage, la moutarde des champs ou encore du maïs transgénique avec les variétés locales qui sont cultivées au Mexique. [2]

Il est ridicule de prétendre qu’il existe des distances de sécurité au-delà desquelles la pollution transgénique serait nulle. Les abeilles et le vent les ignorent. Rappelons-nous les nuages de Tchernobyl et Fukushima.

 

L’enjeu géopolitique.

Étant une technologie la transgénèse est susceptible d’être brevetée. Ceci confère à l’inventeur un droit de regard sur l’exploitation du brevet : mise en place d’un contrat pour chaque semence, fixation des prix, poursuites contre les contrevenants et, même, contre les victimes d’une pollution transgénique accidentelle : des agriculteurs traditionnels ont été poursuivis par Monsanto parce que les PGM de leurs voisins ayant fécondé leurs récoltes ils cultivaient des PGM sans autorisation ! 

Issues de grands groupes chimiques, pharmaceutiques ou semenciers, reconvertis dans l’agrobusiness, les multinationales mènent une politique agressive qui a pour but de s’assurer le contrôle de la culture et de la commercialisation des quatre plantes les plus nourricières cultivées sur terre : le blé, le maïs, le riz et le soja. Si, par le biais de la prise de brevets, elles parvenaient à leurs fins elles seraient en mesure de contrôler l’alimentation de la planète et, partant, contrôleraient les Etats, leurs orientations politiques, économiques et  sociales.

Derrière la lutte contre les OGM, se profile un enjeu géopolitique majeur [3].

 

  La Faim dans le monde

Le problème est fréquemment posé en ces termes : « Sans les OGM comment résoudre le problème de la faim dans le monde ? » Celui qui pose cette question a déjà la réponse en tête et entend l’assener avec force pour clore un débat désormais inutile.

Il semble évident que la faim dans le monde est un problème politique et non un  problème technologique.

Dans le monde actuel, environ un milliard de personnes souffrent de la faim. On estime qu’au moins vingt-cinq mille personnes en meurent chaque année. Face à cette situation catastrophique, un rapport de la Food and Agriculture Organization a reconnu que l’agriculture biologique pourrait nourrir la planète.

 

L’essence du roman noir

Le secret est à la base de la stratégie des multinationales, ce qui implique opacité sur les recherches et leurs résultats, mise au pas des chercheurs, non divulgation des résultats des tests toxicologiques, mise à l’écart des opposants.

Pour parvenir à leurs fins ces entreprises cherchent à obtenir l’appui des pouvoirs exécutifs et législatifs des Etats et à constituer des lobbies en regroupant  syndicats, associations agricoles et personnalités de la société civile.[4]

 L’expérience montre que ces démarches politiques s’accompagnent de trafics d’influence, de corruption, d’actes d’intimidation voire de violence.

On retrouve là, les ingrédients du roman noir, littérature violente de dénonciation qui naquit dans les années trente. La moisson rouge de Dashiell Hamett (1929) et plus près de nous La constance du jardinier de John Le Carré (2001) en sont de parfaites illustrations. On peut ajouter l’impact sur le cinéma. Ainsi le thriller politique de Michael Mann The Insider [5](titre français : Révélations)

À l’inverse du roman policier traditionnel, il ne s’agit plus de découvrir le coupable d’un crime mais de dénoncer les méfaits d’individus, de groupes politiques, de lobbies et autres agents de l’aliénation.

 

  Le Gène du perce-neige.

Ce roman noir est lié à ce qu’on a appelé à la fin des années quatre vingt dix, l’affaire Arpad Pustzai. Chercheur réputé, auteur de nombreuses publications dans le domaine des protéines végétales présentes dans notre alimentation, il travaillait depuis 35 ans au Rowett Institute , institut privé de recherches à Aberdeen (Ecosse.)

En 1998, interviewé par la télévision britannique, il parle de ses expériences de nutrition. Il a nourri de jeunes rats de laboratoire avec des pommes de terre transgéniques et a observé que ces derniers souffrent d’une dépression du système immunitaire et d’un retard de croissance. Il ajoute que, au vu de ses résultats, il est inadmissible qu’on utilise des OGM dans l’alimentation humaine et prenne le consommateur pour un cobaye.

Le scandale est immédiat. Pusztai est suspendu de ses fonctions, on lui interdit de s’exprimer en public et le directeur du Rowett Institute dissout son équipe et annule ses financements. La même année, la plus haute instance scientifique anglaise, la British Royal Society le désavoue : ses recherches seraient mal conçues, ses méthodes statistiques inadéquates et ses résultats inconsistants. Le comité conclut en proposant que ses expériences soient répétées et vérifiées ce qu’aucun de ses détracteurs n’a jamais fait depuis.

Le roman noir Le Gène du perce-neige s’inspire de cette lamentable affaire. Il place le lecteur au sein du conflit qui oppose une multinationale à l’un de ses employés qui travaille sur une pomme de terre insecticide obtenue en insérant dans le génome du tubercule le gène insecticide du perce-neige, la charmante fleur qui annonce le printemps. D’où le titre du roman [6].

Bâti comme un polar, ce roman est fondé sur une intrigue qui en constitue le squelette, mais sa chair se nourrit de l’intervention de citoyens qui s’insurgent contre la violence sociale et politique des institutions et de la multinationale. En premier lieu celle du chercheur qui veut porter à la connaissance du grand public les résultats accablants des tests toxicologiques qu’il a obtenus. Celles de journalistes de presse et de télévision qui ont une conscience aiguë de leur travail, celles de simples citoyens enfin qui sont las d’entendre les discours convenus sur l’inéluctable “progrès”, ne sont tenus au courant de rien, ne sont jamais consultés et se voient  imposer n’importe quoi.

Mais la direction de la transnationale, celle du laboratoire, les décideurs et bailleurs de fonds, soutenus par des lobbies de toutes sortes, contestent à tous la liberté d’expression. Par tous les moyens, y compris les plus extrêmes, ils vont tenter de garder le secret. Menaces en tous genres, interventions musclées, attentat en plein Paris, personne ne sera épargné.

Ce roman est préfacé par José Bové. Il porte en sous-titre, « Le polar qui flingue les OGM ! ».

À vous de juger.

 

 

 



[1] Le secret de fabrication des protéines est contenu dans les gènes. Le langage génétique étant universel, tout organisme est capable de « traduire » » un gène qui ne lui apppartient pas et d e fabriquer la protéine correspondante.

[2] Contrairement aux assertions des entreprises agro-industrielles, les OGM ne réduisent pas l’utilisation des pesticides. En effet on assiste à l’émergence de « mauvaises herbes » résistantes au glyphosate, l’herbicide du Roundup de Monsanto (rapport « Impacts des cultures d’OGM sur l’utilisation de pesticides – les 13 premières années » du Dr. Charles Benbrook, 2010)

[3] « Si vous contrôlez le pétrole, vous contrôlez le pays ; di vous contrôlez l’alimentation, vous contrôlez la population ». Henry Kissinger (1970)

[4]Ainsi la Commission européenne a truffé l’AESA (Agence européenne de sécurité des aliments) de personnalités acquises à la cause des OGM quand elles ne sont pas issues directement  de l’industrie elle-même.

[5]Avec Al Pacino et Russell Crowe. Le film raconte l'histoire vraie de Jeffrey Wigand, vice-président à la recherche d'une importante société productrice de cigarettes, devenu lanceur d'alerte. C'est aussi l'histoire du journaliste Lowell Bergman et d'une émission de télévision (60 Minutes) devant révéler des secrets sur les pratiques douteuses de l'industrie du tabac et sur les véritables dangers du tabagisme, malgré toutes les menaces et toutes les pressions de toutes sortes exercées sur les protagonistes, qui vivent des moments d'intense angoisse.(extrait de Wikipedia=

[6] Le Gène du perce-Neige, 2007, 15 €. Edition du bout de la rue, 1 rue Marcellin Berthelot, 92170 Vanves. www.editionduboutdelarue.fr

 

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